"un autre monde est possible, construisons-le avec les femmes"....
Il est impossible de rendre compte de façon exhaustive d’un Forum Social Mondial. Celui de Dakar ne fait pas exception. A partir de quelques photos de la Marche d’ouverture, je voudrais compléter quelque peu ce que j’écrivais la semaine passée.
En effet, si le thème de la Souveraineté alimentaire était très présent à Dakar, il ne doit pas nous faire oublier d’autres sujets, moins fréquents, mais tout aussi pertinents. C’est la première fois, entre autres, que je vois une telle mobilisation des enfants et des jeunes, et de ceux qui défendent leurs droits.
Pour commencer notons la présence du CAINT (Cadre d’Appui à l’Initiative Nationale en faveur des Talibés), avec leurs slogans : « Non à la mendicité des enfants, Oui aux daaras (écoles coraniques) modernes, Stop : ne donnons plus aux enfants dans la rue. » Ce thème intéresse tout spécialement le Sénégal, mais aussi d’autres pays comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger…« Un talibé (ou Garibou) est au sens étymologique du terme un disciple ou un élève apprenant le Coran.
Ces élèves fréquentent des daaras où des maîtres également appelés marabouts, leur enseignent le Coran. Cet enseignement renferme de lointaines valeurs culturelles … (humilité, apprentissage des difficultés de la vie, ascétisme…), mais comment expliquer qu’un talibé soit reconnu par ses vêtements en lambeau, son allure un peu sale et sa gamelle tendue à tout passant ?
Ces talibés sont des garçons majoritairement âgés de 3 à 15 ans. Ils sont confiés par leurs parents, généralement d’origine très pauvre à des marabouts.
En échange de l’enseignement reçu les talibés doivent s’acquitter de travaux domestiques, subvenir aux besoins de leur maître et de sa famille, ainsi qu’à sa propre subsistance alimentaire. Ils sont donc contraints de mendier pour cela, mais souvent les marabouts leur imposent de ramener une somme d’argent déterminée au risque d’être sévèrement battus. » (Le daara de l’espoir)
De nombreux enfants, de nombreux jeunes ont participé à la Marche d’ouverture du Forum.
Ils portaient des pancartes pour réclamer leurs droits : « Le droit à une formation pour apprendre un métier » « Le droit à être respecté » « Le droit à être écouté »… Sur leurs T-shirts, il était écrit : « Tous ensemble pour le bien être des enfants. »
D’autres portaient une banderoles portant ces mots : « Jeunes, cessons d’être des sujets, soyons des citoyens. »
Une jeune femme arborait fièrement sa pancarte « Investir dans l’éducations des filles et des femmes pour changer le monde ! ». Elle portait un T-shirt où on pouvait lire :
« Un autre monde est possible, construisons le avec les femmes ! »
C’est bien un fait marquant de ce forum. Les femmes y étaient nombreuses et actives. Elles n’acceptent plus que le monde se construisent sans elles. Elles refusent la guerre, et se proposent de participer activement aux règlements des conflits. Elles refusent toute violence faite aux femmes. Et dans ce combat elles ont reçu l’appui de La Via Campesina qui dans sa « Déclaration de Dakar » s’exprime ainsi : « Dans toutes les sociétés, à des degrés divers, les femmes et les petites filles sont victimes de discriminations économiques et de violences physiques, sexuelles et psychologiques dans la sphère publique comme dans la sphère privée. Violences domestiques, traite d’êtres humains, harcèlement sexuel, mutilations génitales, aliments interdits aux femmes, mariages forcés ou précoces, crimes « d’honneur », fémicides (meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme) et viols comme armes de guerre , viennent s’ajouter à cet effroyable tableau. Par ailleurs, à l'échelle mondiale, 70% des personnes vivant dans l'extrême pauvreté sont des femmes.
Les femmes paysannes se trouvent dans une situation de forte exclusion et d'oppression sociale et économique. C'est pour cela que La Via Campesina a décidé, en tant que mouvement paysan, de se mobiliser contre cette injustice. Nous ne pouvons pas rester silencieux ! En détournant le regard et en gardant le silence, nous nous rendons co-responsables de cette violence. En nous mobilisant contre elle, nous contribuons à son éradication et à la construction d’une société basée sur l'égalité et la justice. »
Le thème des APE (accords de partenariat économique) était moins présent qu’à Nairobi. Est-ce parce que beaucoup pensent que finalement l’Afrique de l’Ouest ne signera pas un tel accord, l’Europe se montrant beaucoup trop exigeante, voire arrogante ? Cependant, le FORAM (Forum pour un autre Mali) n’a pas oublié de se positionner sur cette question encore d’actualité. Ses choix sont sans appels : « Protéger ses frontières et exiger l’ouverture des économies africaines est un crime ! », ou encore « L’Afrique n’est pas pauvre, mais appauvrie par l’Europe et « ses bons élèves ! »
La prochaine lettre hebdomadaire portera sur la FIARA (Foire internationale de l'agriculture et des ressources animales) qui se tenait également à Dakar, et en même temps que le Forum Social Mondial. Nous verrons que si le Droit de Souveraineté Alimentaire n’est pas encore reconnue par la Communauté internationale, beaucoup d’Associations, d’ONG, d’Organisations Paysannes manifestent qu’il est déjà possible de faire des petits pas et des actions significatives en faveur d’une production alimentaire locale, et de qualité, à un prix abordable.
Koudougou, le 17 février 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN
P-S : Pour agrandir les photos, rendez-vous à l'adresse suivante :
http://www.abcburkina.net/fr/nos-dossiers/vu-au-sud-vu-du-sud/796-410-le-11eme-forum-social-mondial-de-dakar-suite
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