Le titre de cette lettre est inspiré d'un article de Sabine Cessou qu'un ami m'a fait parvenir. Cet article est assez court et intéressant pour que je vous le transmette intégralement. J'y ajouterai un commentaire.
« Nigeria: objectif zéro importation de riz »
« D’ici 2015, le Nigeria ne devrait plus importer de riz thaïlandais, américain ou béninois. Goodluck Jonathan, le président nigérian, a annoncé le 16 août qu’il faisait de la production de riz locale une priorité, d’ici la fin de son mandat, dans quatre ans. «Il n’y a pas de raisons que le Nigeria importe du riz», a déclaré Jonathan, lors d’une réunion avec le Fonds international pour le développement de l’agriculture (Fida).
Comme le Zimbabwe, une nation qui exportait jadis son surplus de céréales, le Nigeria a les moyens d’atteindre l’auto-suffisance et même d’exporter son riz dans la sous-région. L’objectif: satisfaire les besoins de 152 millions de Nigérians, tout en soutenant l’agriculture. Le secteur agricole, qui représente le premier pilier de l’économie nationale (37% du PIB), avant les mines et le pétrole (30%), bénéficie déjà d’une politique volontariste des autorités.
Sa croissance a dépassé 6 % en 2010, grâce aux pluies suffisantes et à un plan spécial de crédit pour l’agriculture commerciale (Commercial Agriculture Redit Scheme, CACS). Le gouvernement a en partie réglé les problèmes de taux d’intérêts élevés du crédit agricole, en injectant 200 milliards de nairas (905 millions d’euros) dans les prêts aux producteurs, à faibles taux.
La décision du Nigeria n’est pour l’instant qu’une annonce, mais elle est déjà exemplaire. Bien d’autres pays, en Afrique de l’Ouest, sont capables d’atteindre l’auto-suffisance, mais la volonté politique fait défaut – entre autres, à cause des marchés considérables que veulent garder les gros importateurs de riz, souvent liés au pouvoir. » (Sabine Cessou)
Rappelons qu'en 2004 (encore aujourd'hui?) le Nigeria était le premier importateur mondial de riz, avec des importations qui dépassaient le million de tonnes.
La première question qui m'est venu à l'esprit en lisant la conclusion de l'auteur est celle-ci : Sabine Cessou pensait-elle au Burkina Faso quand elle écrivait : « Bien d’autres pays, en Afrique de l’Ouest, sont capables d’atteindre l’auto-suffisance, mais la volonté politique fait défaut – entre autres, à cause des marchés considérables que veulent garder les gros importateurs de riz, souvent liés au pouvoir. ?» Car nous l'avons souvent écrit : le Burkina est capable d'atteindre l'auto-suffisance en riz. Mais subventionné le riz importé comme le gouvernement vient de le faire n'est pas la meilleure voie pour y parvenir !
Mais ce que je trouve tout à fait intéressant dans cette prise de position du président du Nigeria, c'est qu'elle intervient à un moment d'intenses négociations sur le Tarif Extérieur Commun (TEC, c'est à dire l'ensemble des droits de douanes à l'importation) de la CEDEAO (Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest). Or le Nigeria, s'il veut vraiment atteindre l'auto-suffisance en riz ne peut pas se contenter d'une taxe à l'importation de 10% sur le riz. C'est pourtant le montant actuel de la taxe sur le riz au sein de l'UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine), et par là de la CEDEAO depuis janvier 2006. C'est le Nigeria qui a obtenu une 5° bande tarifaire pour le TEC. Si le Nigeria pèse de tout son poids, il peut obtenir que le riz soit taxé à 50% à l'importation.
Compte tenu de l'évolution du marché mondial, avec une telle taxe les producteurs de riz seront alors définitivement protégés des importations de riz à bas prix. Il sera possible d'investir dans ce secteur. Même les investissements lourds que supposent le développement des plaines irriguées. Si la CEDEAO décidait de taxer ainsi le riz à l'importation, en quelques années le Nigeria et le Burkina seraient auto-suffisant en riz ; et même l'ensemble de la CEDEAO.
Et si la CEDEAO décidait de protéger l'ensemble de son agriculture, en accompagnant cette mesure d'une politique agricole volontariste (dans la durée), en quelques années l'Afrique de l'Ouest deviendrait une puissance agricole et alimentaire. Les terres, l'eau, le soleil, les hommes et les femmes sont là.
Aujourd'hui, seule manque la volonté politique.
Koudougou, le 3 septembre 2011 Maurice Oudet Président du SEDELAN |